Définition des relations commerciales établies
Dans le silence des textes, la notion de « relations commerciales établies » a été définie par la jurisprudence.
Ainsi, une relation commerciale est jugée établie au regard de son « caractère suivi, stable et habituel (…) où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaire avec son partenaire commercial » (Rapport annuel de la Cour de cassation pour l’année 2008, p. 306).
Par ailleurs, l’objet du contrat liant les parties importe peu puisque le texte ne limite pas son champ d’application. Ainsi, les relations commerciales peuvent concerner la fourniture d’un produit ou une prestation de services.
Ainsi, l’article L. 442-1 II du Code de commerce concerne toutes les activités économiques et s’applique aussi bien aux activités commerciales qu’aux relations industrielles ou aux prestations intellectuelles.
Il peut, en outre, s’agir de relations à durée déterminée ou indéterminée. La Cour de cassation a, en ce sens, jugé qu’une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie (Cass. com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200).
Enfin, la relation n’a pas besoin d’avoir été établie entre les mêmes personnes. En effet, un repreneur pouvant ainsi se prévaloir des relations initialement nouées dès lors qu’il s’inscrit dans la continuité du courant d’affaires.
Qu’est-ce qu’une rupture brutale ? L’exigence d’un préavis suffisant
La rupture brutale s’entend d’une rupture intervenant dans des conditions qui surprennent une attente légitime du cocontractant. Si en droit français le principe est la liberté de rompre les relations commerciales, les partenaires économiques doivent néanmoins faire preuve de loyauté dans cette rupture.
Une rupture est brutale dès lors qu’elle est notifiée au cocontractant sans un préavis suffisant.
Le préavis suffisant est celui qui pourra permettre la reconversion ou la réorganisation du partenaire commercial.
La notion de brutalité vise donc la rupture sans préavis, ou avec un préavis trop court pour atteindre cet objectif. Il s’apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale, des autres circonstances au moment de la notification de la rupture et respecter la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Par ailleurs, en présence d’une dépendance économique plaçant la « victime » de la rupture dans une situation de difficultés particulières pour obtenir de nouveaux débouchés, la durée de préavis doit être allongée.
Quelques exemples de ruptures brutales :
Aussi, peuvent caractériser une rupture brutale des circonstances particulièrement variées :
- la résiliation d’un contrat à durée indéterminée,
- le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée déjà renouvelé,
- la cessation ou la réduction significative du volume d’affaires préalablement pratiqué entre les parties ;
- modification des conditions tarifaires ou plus généralement d’une modification unilatérale et substantielle des conditions d’un contrat ;
- changement d’organisation dans le mode de distribution d’un fournisseur ;
- diminution significative de commandes ou un déréférencement partiel de produits nécessitent le respect d’un délai de préavis suffisant.
Il est, en outre, important de souligner que l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 est venue préciser qu’en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Enfin, la rupture peut aussi bien être totale ou seulement partielle, directement prononcée par le cocontractant ou provoquée par celui-ci.
Sanction – Rupture brutale des relations commerciales établies
Le professionnel qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie engage sa responsabilité civile délictuelle et s’expose à une condamnation à des dommages et intérêts.
La victime ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.
En cas d’insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugée nécessaire.
Comment évaluer son préjudice ? – Responsabilité délictuelle
En principe, la partie qui subit la rupture ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de celle-ci et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.
Le préjudice indemnisable peut être calculé de la manière suivante :
Période de préavis qui aurait dû être donnée X la moyenne de la marge brute réalisée antérieurement à la rupture.
La marge brute correspond au chiffre d’affaires hors taxes moins les coûts hors taxe (Com., 23 janvier 2019, n° 17-26.870).
Aussi, de manière classique la jurisprudence a tendance à accorder en moyenne un mois de préavis par année d’ancienneté.
Néanmoins, les juges peuvent également prendre en compte « d’autres circonstances » que la seule durée de la relation rompue comme :
- le volume d’affaires réalisé et sa progression,
- la présence d’une exclusivité,
- le secteur concerné et les caractéristiques du marché en cause,
- les investissements effectués pour satisfaire les besoins de la relation,
- la spécificité et/ou la notoriété éventuelle des produits,
- la dépendance économique.
Concernant ce dernier point, il arrive fréquemment que la partie qui se prétend victime d’une brusque rupture invoque l’existence d’une situation de dépendance économique pour réclamer des dommages et intérêts complémentaires.
Dans ces hypothèses, les magistrats apprécient simultanément l’infraction de rupture abusive des relations commerciales établies avec l’abus de dépendance économique.
La possibilité de cumul : responsabilité délictuelle et contractuelle
Le principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, n’interdit pas au créancier d’une obligation, de présenter, outre sa demande en responsabilité contractuelle, une demande distincte fondée sur L. 442-1 II du Code de commerce. (Com., 10 avril 2019, n° 18-12.882).
Ainsi, les juges considèrent que le manquement contractuel et rupture brutale comme deux faits ou préjudices distincts (CA Paris, 5 septembre 2019, n° 17/01506).
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