Une cliente victime d’un investissement frauduleux, la banque condamnée
Par un jugement rendu le 3 mars 2025 (RG n°22/02371), le Tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a condamné la Caisse régionale de Crédit Agricole des Côtes d’Armor. La banque a été reconnue responsable pour ne pas avoir exercé son devoir de vigilance, dans une affaire liée à un investissement frauduleux.
La cliente avait effectué deux virements importants en novembre 2020. Le premier de 30 000 euros, le second de 70 000 euros. Ces sommes ont été envoyées à une société étrangère, prétendument basée en Belgique. Ce placement lui avait été proposé par une plateforme en ligne, avec des promesses de rendements attractifs.
Mais cette offre était en réalité une escroquerie. La cliente a rapidement compris qu’elle avait été trompée. Elle a déposé plainte auprès du Procureur de la République. Puis elle a engagé une action civile pour obtenir réparation.
Une argumentation juridique centrée sur le devoir de vigilance bancaire
Devant le tribunal, le cabinet COLMAN Avocats a expliqué que la banque aurait dû repérer plusieurs anomalies apparentes dans les virements effectués par la cliente. Les montants étaient élevés. Les virements étaient rapprochés dans le temps. Les fonds étaient envoyés vers des comptes bancaires à l’étranger. Pour un établissement bancaire professionnel, ces éléments auraient dû déclencher une vigilance.
Le Crédit Agricole, qui dispose d’outils internes pour détecter les opérations à risque, n’a réagi qu’au moment du troisième virement. Les deux premiers avaient pourtant été exécutés sans contrôle ni alerte auprès de la cliente.
Le cabinet a précisé que la banque ne pouvait pas se dégager de sa responsabilité simplement parce que les ordres de virement paraissaient en apparence réguliers. Lorsque des anomalies apparentes sont présentes, comme dans cette affaire, la banque a le devoir d’intervenir. Elle doit notamment contacter le client.
Le tribunal a estimé que le comportement de la banque — restée passive malgré les anomalies apparentes — constituait un manquement à son devoir de vigilance.
Le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc reconnaît la responsabilité du Crédit Agricole
Dans son jugement rendu le 3 mars 2025, le Tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a confirmé l’analyse présentée par le cabinet COLMAN Avocats.
Il a estimé que la banque avait failli à son obligation de vigilance, en ne réagissant pas face à des opérations bancaires atypiques vers une société étrangère.
Le tribunal a rappelé que même en présence d’ordres donnés par le client, la banque demeure tenue à une obligation de vigilance, qui implique de s’interroger sur la cohérence de l’opération au regard du profil et des habitudes du titulaire du compte.
Le Crédit Agricole a donc été condamné à verser à sa cliente la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le tribunal a également accordé 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en plus de la condamnation aux dépens.
La décision souligne que même si la plateforme frauduleuse n’était pas encore inscrite sur une liste noire au moment des virements, cela n’exonérait en rien la banque de sa responsabilité.
L’anormalité des montants, la rapidité d’exécution, et la destination des fonds vers une société inconnue en Belgique constituaient autant d’éléments qui auraient dû inciter l’établissement à se rapprocher de sa cliente.
*La présente décision fait l’objet d’un appel