CA Riom, 22 novembre 2023, n° 22/00710
Résumé : La Cour d’appel de Riom a confirmé un jugement du Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui avait condamné le Crédit Agricole pour manquement à son obligation de vigilance. En l’espèce, un client victime d’une escroquerie en ligne sur une plateforme de Trading avait effectué des virements à hauteur de 231 400 euros sur des comptes bancaires étrangers. Malgré des anomalie apparentes, la banque n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir son client. En conséquence, la Cour d’Appel a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand et a condamné la banque à la somme de 161.000 euros, représentant une partie significative du total des virements contestés.
Rappel des faits
Entre juin et septembre 2018, Monsieur X, client du Crédit Agricole, a réalisé des virements vers des comptes internationaux sous la promesse d’opérations de trading proposées par la plateforme frauduleuse London B Capital, qui se sont avérées être une escroquerie.
Les fonds envoyés n’ayant jamais été restitués, Monsieur X a poursuivi le Crédit Agricole devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, réclamant la reconnaissance d’un défaut de vigilance bancaire et sa responsabilité pour son préjudice financier.
Le 3 mars 2022, le tribunal a statué en faveur de Monsieur X, condamnant le Crédit Agricole à payer 218 500 euros pour le préjudice financier, 4 000 euros pour le préjudice moral, et 1 800 euros suivant l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le jugement a souligné l’obligation de la banque, en vertu de l’article 1231-1 du code civil, de protéger ses clients par un devoir de vigilance, mentionnant que les caractéristiques des virements auraient dû inciter le Crédit Agricole à dissuader Monsieur X de procéder aux opérations en raison de la multiplicité et du volume élevé des transferts, des bénéficiaires étrangers compliquant toute réclamation, du caractère atypique des transactions, et de l’identité de London B Capital, une entité figurant sur la liste noire de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Le tribunal a jugé que la banque avait ignoré ces anomalie apparente, manquant ainsi à son devoir de vigilance, et privant de ce fait Monsieur X d’une chance d’éviter ces virements litigieux et de conserver son capital de 230 000 euros.
Le Crédit Agricole a fait appel de ce jugement.
Motivation du jugement
La Cour d’appel de Riom a rendu une décision importante qui met en avant l’importance de l’obligation de vigilance des banques à l’égard de leurs clients pour des opérations anormales.
1) La banque est tenue à une obligation de vigilance en cas d’anomalies apparentes
Tout d’abord, la Cour d’appel a rappelé que le devoir de non-ingérence qui limite l’intervention du banquier dans les affaires de ses clients, est tempérée par le devoir de vigilance en présence d’anomalies apparentes. Ces dernières peuvent être matérielles, touchant les données présentes sur les documents ou instruments financiers remis au banquier, ou intellectuelles, relatives à la nature des transactions du client ou la gestion du compte bancaire.
2) Les anomalies apparentes du fonctionnement du compte bancaire du client selon la Cour d’appel
Dans son arrêt, la Cour d’appel de Riom a donner les caractéristiques des anomalies apparentes :
- Premièrement, elle a souligné que la multiplicité des transferts de fonds était un indice d’anomalie apparente.
- Deuxièmement, la Cour a considéré le volume élevé des virements effectués comme un second indice d’anomalie apparente.
- Troisièmement, elle a mis en exergue le caractère inhabituel des opérations par rapport au fonctionnement usuel du compte.
- Quatrièmement, la Cour a noté l’importance de la destination des banques bénéficiaires des virements, soulignant les risques associés aux transactions transfrontalières.
- Enfin, la Cour a relevé la présence de la plateforme frauduleuse sur la liste noire de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Selon la Cour d’appel, la convergence des ces indices permet de démontrer une anomalie apparente dans la gestion du compte du client.
Le Crédit Agricole condamné par la Cour d’appel pour non respect de son obligation de vigilance envers son client
Par conséquent, face à des anomalies apparentes que le Crédit Agricole aurait dû identifier, la responsabilité lui incombe de démontrer qu’il a bien respecté son obligation de vigilance en informant son client. Or, la banque n’a pas rapporté cette preuve.
Cette négligence a privé Monsieur X d’informations essentielles qu’il était en droit d’attendre de sa banque, lui retirant de ce fait la possibilité de renoncer aux transferts d’argent frauduleux. La Cour d’appel a jugé que cette perte de chance devait être estimé à 70 %.
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