Source : TJ La Rochelle, 6 décembre 2022, n°22/00309
Le Tribunal Judiciaire de La Rochelle a condamné le Crédit Agricole pour manquement à son devoir de vigilance. Le cabinet Colman Avocats revient sur cette nouvelle consécration du devoir de vigilance.
Rappel des faits
Madame B. a été contactée par une plateforme frauduleuse d’investissement en diamants entre juillet et novembre 2017. Séduite par la promesse de gains élevés et d’une rentabilité rapide de son investissement, Madame B. a effectué six virements, pour un montant total de 50 270,19 euros, depuis son compte bancaire ouvert auprès du Crédit Agricole.
Cependant, peu de temps après la plateforme n’était plus accessible et les interlocuteurs de Madame B. injoignables.
Suite à cela, elle a porté plainte pour escroquerie et blanchiment en bande organisée contre la plateforme frauduleuse.
Considérant que sa banque, le Crédit Agricole, n’a pas rempli son devoir de vigilance envers les nombreuses anomalies évidentes affectant son compte bancaire, Madame B. a engagé une procédure contre le Crédit Agricole pour obtenir une réparation de son préjudice financier.
Analyse du jugement
Le Tribunal judiciaire de La Rochelle a rappelé que les établissements bancaires, tels que le Crédit Agricole, sont tenus à un devoir de vigilance envers leurs clients. Ce devoir provient des obligations contractuelles du banquier.
Les juges ont souligné que ce devoir de vigilance constitue une exception au principe de non-immixtion, qui interdit aux banques de s’immiscer dans les affaires de leurs clients.
Cependant, ce devoir de vigilance s’applique en présence d’anomalies apparentes manifestes, c’est-à-dire lorsque le banquier est en mesure de détecter des irrégularités et alerter son client sur le fonctionnement anormal de son compte bancaire.
Les juges ont identifié plusieurs anomalies apparentes concernant le fonctionnement du compte bancaire de Madame B.
La première anomalie concerne les montants des virements, qui étaient nettement supérieurs à ceux habituels du compte bancaire. Les juges ont utilisé un graphique fourni par le cabinet Colman Avocats pour illustrer cette différence.
La deuxième anomalie concerne les bénéficiaires des virements, qui étaient des sociétés étrangères avec lesquelles Madame B. n’entretenait pas de relations particulières.
La troisième anomalie concerne la présence de la plateforme frauduleuse sur la liste noire de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) avant l’exécution des virements.
Enfin, la quatrième anomalie concerne la fréquence des virements effectués depuis le compte de Madame B.
Au regard des anomalies apparentes constatées, le Tribunal judiciaire de La Rochelle a conclu que le Crédit Agricole était soumis à un devoir de vigilance envers sa cliente.
Condamnation du Crédit Agricole pour défaut de vigilance
Les juges ont conclu que la banque, le Crédit Agricole, avait manqué à son devoir de vigilance en ne signalant pas à sa cliente les anomalies relevées. La banque a donc manqué à ses obligations contractuelles.
« (La banque), sur laquelle repose la charge de la preuve, ne produit aucun élément démontrant qu’elle a questionné Madame B. sur les opérations effectuées, dont le caractère anormal était apparente et qu’elle l’a alertée du risque d’escroquerie, de sorte qu’il est établi qu’elle a manqué à ses obligations contractuelles. »
TJ La Rochelle, 6 décembre 2022, n°22/00309
Ainsi, le Crédit Agricole a été condamné à verser à sa cliente une somme représentant 60% du préjudice financier.
Le cabinet COLMAN Avocats a développé une expertise en droit bancaire et accompagne au quotidien des particuliers et des entreprises dans l’ensemble des problématiques rencontrées auprès des banques. Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à nous contacter.